Loin de la foule déchaînée


 

Chapitre 1


 

Une fois de plus ses parents se disputaient. Cléo ne supportait plus l'ambiance familiale.

Elle priait, en larmes seule dans sa petite chambre mansardée qu'elle avait aménagé pour en faire un endroit cosy. C'était son refuge, son petit cocon à elle.

Un long hamac coloré que son père lui avait offert pour ses 16 ans tronait au centre de la pièce. Elle avait amassé un grand nombre de livres qui étaient entassés sur une grande bibliothèque en bois très travaillée.

Lire était pour elle depuis l'enfance un moyen de se protéger et de fuir la réalité et la violence de son milieu familiale qui ( elle en avait pris confiance avec son psychologue était «  chargée » sur le plan psychogénéalogique.

Il fallait se faire une place au milieu des secrets de famille, des fantômes familiaux et il fallait laisser les morts dans leur tombe ). Elle avait envie de se scarifier, une forme de rage difficile à canaliser montait en elle.

Elle savait pertinemment qu'elle ne devait pas céder à cette pulsion destructrice, son psychologue lui avait parlé de cela tant de fois. Elle se décida impulsivement pour une fugue ( qui ne serait pas la première mais dont elle voulait peut être en faire la dernière ). Elle ne savait pas quoi faire quand cette énergie violente la traversait. Elle était capable de tout dans ces moments là.


 

Elle prit sur elle pour aller diner avec ses parents. Le repas fut frugal et silencieux. Son père partit avant la fin et Cléo se retrouva en tête à tête avec sa mère. Pour ne pas éveiller les soupçons, elle engagea la conversation avec sa mère sur sa prochaine exposition dans une galerie chic de la capitale. Cléo ne supportait pas son milieu social, jusqu'au prénom de ses parents Edouard et Esther quelle trouvait connoté « bobo ».

Le sien lui venait d'un vieux film d'Agnès Varda Cléo de 5 à 7. Son prénom elle l'aimait bien, il sortait de l'ordinaire et elle préférait un prénom original voire anecdotique à un prénom banal, fade, intemporel comme Marie par exemple. D'ailleurs elle avait aimé le film qu'elle avait vu enfant. Cléo se sentait seule partout, seule bien qu'entourée. Cléo était surdouée, elle se sentait sans cesse en décalage avec son entourage, dès l'enfance elle avait ressenti cette différence, différence de maturité, centres d'intêrets à l'opposé des enfants de son âge, hypersensibilité difficile à canaliser, trop grande empathie...

Elle rêvait de rencontrer des gens aussi sensibles, aussi intenses qu'elle. Elle se forca à suivre la conversation avec sa mère. Sa mère Esther était photographe, elle peignait aussi des aquarelles, utilisait le fusain, elle touchait un peu à tout. Son père Edouard était journaliste radio et avait publié des livres dont certains avec gagné des prix. Son psychologue qu'elle aimait beaucoup et avec qui elle avait un lien privilégié l'avait encouragé à écrire, peindre il parlait d'un processus de «  sublimation »qui lui permettait de mettre à distance sa souffrance. Cléo prit une douche glacée, s'habilla et resta dans sa chambre à écouter de la musique sur son ipod. Une fois ses parents endormis, elle prit un sac dans lequel elle avait rangé quelques pommes et des biscuits secs, son portable chargé et une 100 aine d' euros qu'elle avait récupéré dans une boite dans laquelle elle rangeait ses économies. Elle allait mal très mal. Elle se faisait peur dans ses moments là avec ses idées morbides et ses pulsions suicidaires. Elle voulait «  s'en aller », elle ne réfléchissait plus. Elle avait déjà fait plusieurs tentatives de suicide dont une avec un coma de 10 heures. Elle s'échappa discrètement du luxueux appartement parisien situé dans le 15 ème arrondissement de la capitale. Elle marchait tête baissée, la température s'était rafraichie. Elle n'arrivait pas à retenir ses larmes qui roulaient sur ses joues.

Elle longea un bar, une soirée dansante, de la musique latino, des gens heureux, un jeune couple amoureux, des rires.

Et tout ce bonheur, cette ambiance joyeuse ne faisait qu'accentuer sa souffrance et son envie d'y rester.

Elle s'installa sur un banc et envoya un texto à son petit ami avec qui elle entretenait une relation fusionnelle

Nils lui répondit rapidement. Elle voulait le voir et il lui proposa de fuguer avec elle car il ne voulait pas qu'elle prenne de risques. Leur histoire était semblable à celle des héros de la littérature romantique qui peuplent les romans de Stendhal. Il y avait cette fougue, cette intensité propre à la jeunesse.

Une heure après, une fois que Nils qui vivait dans un foyer pour ados à problèmes s'en était échappé en faisant le mur ils furent réunis.

Nils était assis sur le banc et Cléo avait la tête posait sur son épaule, elle portait sa veste en jean qu'il lui avait donné pour ne pas qu'elle ai froid mais elle flottait dedans.

Elle s'en voulait un peu de ces scénarios digne d'une préadolescente romantique et mal dans sa peau. Elle aurait aimé rencontrer sur sa route un sauveur, un homme plus âgé et protecteur. Elle ne savait pas trop si elle voulait faire toute sa vie avec Nils, en faire le père de ses futurs enfants. 

Mais, là elle était dans ses bras, tombante de sommeil et elle était heureuse qu'il lui caresse les cheveux en lui murmurant  des " je t'aime " sincères et rassurants.

Nils fumait une cigarette, calmement. Il n'était pas du genre à avoir peur. Il faisait preuve d'un sang froid qui sortait de l'ordinaire. Il avait tellement galéré dans la vie que presque plus rien ne pouvait l'atteindre. Il s'était endurci, à force de tomber et  il était résilient. Bien plus que la moyenne. Il aurait pu tout faire pour elle.

Nils était quelqu'un d'intense, d'entier. Avec une foi exceptionnelle, une forme de pureté dansa manière d'agir, de poser ses actes.

Elle le portait, elle faisait de lui un homme bon, courageux qui nageait à contre courant avec les valeurs actuelles de la société. 

Quand on le voyait dans la rue, avec ses jolies chemises noires, ses jeans déchirés et délavés, ses longs cheveux ebènes, son visage carré et ses jolis yeux très pâles oscillant entre le bleu et le gris il avait plutôt un air un peu inquiétant genre mauvais garçon. 

On ne percevait pas en lui ces valeurs chrétiennes et sa volonté de faire de sa vie quelque chose de pure en suivant les préceptes bibliques.

Nils connaissait quelqu'un qui travaillait dans un hotel bon marché pas très loin de l'endroit où ils se trouvaient.

Il réveilla Cléo en lui parlant avec une douceur assez étrange. Il l'aimait, peut être même plus qu'elle. Il aimait son intelligence, sa culture générale, ses beaux cheveux cuivrés, sa bouche charnue qu'il trouvait sensuelle et qu'il aimait tellement embrasser, sa peau particulièrement douce et diaphane. Elle ressemblait à ses  jolies jeunes femmes des affiches de Mucha.

Elle était belle mais ne le savait pas, ou alors pas assez. Lui était vraiment beau, il s'en rendait compte quand il marchait dans la rue et que le regard des femmes s'attardait sur lui.

Nils avait quelques défauts comme tout le monde, il était assez impulsif, réactif, vraiment sanguin. Il pouvait parfois devenir assez violent physiquement comme la fois où  un homme ivre s'était approché de Cléo dans la rue pour abuser d'elle. Il s'en souvenait bien, il rentrait tout les deux d'une soirée et Cléo était mal,Il la tenait dans ses bras et là cet inconnu avait eu des paroles et des gestes déplacés. Nils n'avait pas réussit à se contenir et en était venu au main, le mec avait pris la fuite. 

Après une marche nocturne et glacée de 20 minutes ils arrivèrent à l'hotel en question. 

Nils réussit à obtenir une chambre presque gratuitement. Cléo tombait de sommeil, elle s'installa sur le lit calmement. Nils enleva son pull et l'offrit à Cléo qui se changeait dans la salle de bain. Elle sortit presque nue et enfila le pull marine de Nils. 

Il la regardait paisiblement. Elle était désirable et elle ne s'en rendait pas toujours compte. Il avait pris une longue veste chaude. ça serait son pyjama pour la nuit. 

Ils n'avaient pas peur de ce qui pouvait leur arriver et restaient étrangement calme malgré la situation bancale. 

 

 

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